Les sites : Antiquité La viticulture antique du Gasquinoy

Béziers, Hérault

Deux fermes gallo-romaines, distantes de 200 m, ont été mises au jour en 2006 à l'occasion de fouilles réalisées à l'emplacement d'un nouveau centre pénitentiaire. Occupées entre la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère et le IIe siècle de notre ère, elles sont caractérisées par la présence de bassins et de chais à dolia. Des milliers de fosses de plantation attribuées à la vigne, en raison de leur forme, de leur taille et de leur densité, illustrent largement la vocation vinicole de ces établissements.

Chaque ferme était équipée d'un puits. Parmi les débris végétaux récupérés dans leur comblement figurent d'abondants résidus de pressurage (pépins, baies avortées, fragments de peaux de raisin dilacérés, de pédicelles et autres éléments de rafle), ainsi que des restes de sarments et de ceps de vigne gorgés d'eau ou carbonisés.

La fragmentation extrême des pépins pose la question du type de manipulation qu'ont pu subir les raisins. Un pressoir à levier a été reconstitué au Domaine du Mas des Tourelles (Beaucaire), selon les écrits des agronomes antiques et les observations archéologiques ; les résidus de pressurage résultant de son utilisation expérimentale prouvent que le pressoir à levier de type romain ne cause presque aucune fragmentation. Un autre type d'action mécanique doit donc être envisagé pour expliquer le broyage des pépins du Gasquinoy, une action violente au moment du foulage, habituellement effectué par les pieds. Lors du foulage, il est recommandé de ne pas exercer une pression trop violente, afin de ne pas briser les pépins et libérer un excès de tanins, préjudiciable au goût et à la couleur du vin. Des actions plus vigoureuses, susceptibles d'entraîner une fragmentation des pépins, ont cependant été pratiquées en divers lieux et époques : utilisation de rouleaux pour écraser la vendange, raisins blancs foulés avec des pilons en bois...

L'abondance de restes de roseaux aux côtés de ceux de la vigne (également constatée sur d'autres sites agraires du Languedoc) pourrait signifier que ces deux éléments étaient étroitement associés dans des pratiques agricoles spécifiques à la culture de la vigne, plus précisément, à sa conduite. Cette pratique est décrite par Columelle (Vitis characata) et par Palladius. Selon certains auteurs classiques, les roseaux étaient aussi utilisés dans la manufacture de tamis pour filtrer les restes du pressurage avant la fermentation.

L'abondance de restes de vigne témoigne du rôle majeur joué par la viticulture et la vinification sur place. Cependant, les résultats des fouilles suggèrent aussi qu'outre la vigne, cultivée sur la plus grande surface du terroir, d'autres fruitiers - merisier/cerisier, noyer, figuier, poirier/pommier, pin pignon et noisetier - étaient plantés plus sporadiquement, peut être à proximité des bâtiments, des voies de circulation ou en association avec la vigne. L'identification d'entrenoeuds (partie de tige entre deux feuilles) de blé nu et d'orge ainsi que de plusieurs « mauvaises herbes » typiques des champs de céréales évoque une possible céréaliculture locale, éventuellement implantée sur les rares espaces vides mis en évidence par la fouille, au milieu des parcelles remplies de fosses de plantation.

 

Isabel Figueiral, Laurent Bouby et Loic Buffat (Inrap)


Département : Hérault
Commune : Béziers
Nom du site : Gasquinoy

Motif de l’opération : Construction d’un centre pénitentiaire
Aménageur : OPTIMEP 4 – groupe EIFFAGE
Début de l’opération : 24/07/2006
Fin de l’opération : 06/10/2006
Type d’opération : Fouille
Responsable d’opération : Loïc Buffat

Périodes : Antiquité