Les sites : Antiquité La viticulture de la moyenne vallée de l’Hérault pendant le Haut-Empire : les parcelles

Clermont-l'Hérault et Valros, Hérault

Depuis une dizaine d'années, grâce à une succession d'opérations d'archéologie préventive liée notamment à la construction des autoroutes A75 et A750, de nombreuses parcelles de vigne datées entre le Ier siècle avant notre ère et la fin du IIe siècle de notre ère ont été mises au jour dans la moyenne vallée de l'Hérault.

Ces vestiges récurrents illustrent le développement d'une viticulture pratiquée dans des terroirs très divers, bien souvent au contact des établissements ruraux. Les structures retrouvées correspondent la plupart du temps à des fosses allongées, organisées selon une trame régulière qui marque l'emprise d'un champ disparu. À partir de ces traces, on peut supputer la physionomie du vignoble et les pratiques agraires.

Les superficies reconstituables sont très variées : dans certains terroirs, les parcelles n'excèdent pas les 4 000 m2, tandis que dans d'autres elles pourraient atteindre 2 à 3 hectares. Les densités des plantations également sont très diverses et oscillent entre 3 000 et 14 000 pieds par hectare. Pour les plantations très espacées, on peut former l'hypothèse de cultures intercalaires aux rangs de vignes, ou tout au moins imaginer que l'espace disponible permettait le passage d'un attelage entre les rangées pour travailler la terre ou lors de la vendange.

Le sol témoigne de la vie de la vigne ; ainsi les provignages, par lesquels le renouvellement des plants au sein d'une parcelle se faisait généralement, sont-ils encore lisibles sous forme de creusements entre les fosses initiales. Ces marques complexifient la manière d'appréhender ces espaces cultivés.

Le site de La Madeleine à Clermont-l'Hérault

Deux petites parcelles de vigne étaient situées en bordure de voie, face aux installations vinicoles du hameau antique. À la différence des grands espaces cultivés que l'on rencontre fréquemment en Languedoc, les vestiges retrouvés ici illustrent la pratique d'un mode cultural proche de l'horticulture. Les surfaces restituées sont inférieures à 400 m2 et entourées par des murets. Ces deux parcelles s'inscrivent à l'intérieur d'un chapelet de petits clos similaires, qui jalonnent la voie desservant le hameau. Les plantations s'organisent en rangées de fosses allongées, certains espaces vierges de creusement pouvant être dévolus à d'autres cultures. Ces « parcelles-jardins » qui commencent à être perçues dans l'Hérault rappellent le modèle de la Shop-House Garden de la ville de Pompéi qui, dans un espace clôt de 600 m2, associe vigne, arboriculture et primeurs.

Le hameau du Renaussas à Valros (Hérault)

Les vestiges agraires retrouvés sur ce site permettent d'illustrer différents modes de plantations de la vigne et éclairent sur la pratique de « complants » c'est-à-dire la plantation conjointe de différentes cultures.

Les parcelles situées au sud du carrefour de voies ont été plantées selon un défonçage du terrain par fosses. Les auteurs latins explicitent cette méthode et nomment « alvei » les fosses de plantation. C'est la pratique la plus couramment rencontrée en Languedoc. On note une série de creusements perpendiculaires à la trame de la plantation, qui attestent des provignages pour le renouvellement de plants ayant péri. Ces vignes sont densément plantées, autour de 13 000 pieds par hectare.

Au nord du carrefour, une parcelle présente un mode de plantation différent. Initialement, des tranchées de la longueur de la parcelle ont été creusées (nommées « sulci » par les agronomes romains). Les espacements d'environ 4 m entre les tranchées ont certainement permis d'autres cultures annuelles (céréales, légumineuses ?) ; on note toutefois qu'ils ont rapidement été colonisés par la vigne, dont la plantation s'est densifiée au détriment de cette polyculture. Un marcottage systématique est réalisé à partir de pieds-mère installés dans la tranchée initiale, afin d'installer une première rangée intercalaire, puis une deuxième. Au bout de quelques années, une densité de vigne de moins de 3 000 pieds par hectare passe alors à plus de 7 500.

 

Hervé Pomarèdes, Cécile Jung et Michel Compan (Inrap)