Les sites : Antiquité La viticulture de la moyenne vallée de l’Hérault pendant le Haut-Empire : les fermes

Tourbes et Valros, Hérault

À côté des villae et des bourgades agricoles, on observe de nombreuses fermes qui produisent également du vin. La plupart sont de taille moyenne (familiale ?), assurant à leurs occupants (petits propriétaires ou exploitants ?) l'essentiel de leurs besoins (économie vivrière). Dans ces établissements, les revenus tirés de la vente du vin permettent vraisemblablement d'améliorer le confort quotidien et l'entretien des outils de transformation.

Dans certaines de ces unités, les chais vinicoles apparaissent particulièrement importants (cf. Mont-Ferrier) ; ils peuvent illustrer des productions à haut rendement, l'extension des cultures ou encore la concentration des moyens de production et un stockage correspondant à plusieurs exploitations. Sur d'autres fermes, les équipements viticoles sont plus discrets ou ne sont saisis que sur de courtes durées (cf. Le Renaussas).

Ailleurs, on perçoit un accroissement progressif des capacités de stockage des vendanges, parallèlement au développement de constructions résidentielles et d'installations de confort (thermes, jardins...). On convient dans ce cas d'un système perfectionné visant à l'accumulation de richesses et à l'émergence de nouvelles villae (manifestations, parmi d'autres, de pouvoir).

Essor et abandon de l'établissement vinicole antique de Mont Ferrier à Tourbes

L'établissement de Mont Ferrier est installé sur un coteau dès le début du Ier siècle de notre ère. Le premier habitat est méconnu, mais des indices révèlent déjà une activité vinicole.

Dans la seconde moitié du Ier siècle, une villa de plus de 1 000 m2 est édifiée sur les vestiges du premier établissement. Elle est dotée d'un petit balnéaire, dont la chaudière a pu être utilisée tant pour chauffer l'eau (des bains) que pour cuire le moût (defructum). La production de vin est également attestée par les fondations d'un pressoir et de deux cuves. Le mode de stockage, en dolia ou en barriques, demeure inconnu.

Durant le IIe siècle, l'établissement fait l'objet de profondes transformations ; les thermes sont abandonnés et la villa semble perdre tout son confort. Les investissements ne concernent plus alors que la production vinicole : un bâtiment à contreforts pourvu d'une cuve et d'un pressoir est construit, un chai est aménagé dans le balnéaire et un second est bâti plus à l'ouest. Ces deux magasins n'accueillent pourtant qu'un nombre réduit de dolia (une vingtaine), permettant le stockage de 200 à 300 hectolitres de vin.

Dans la seconde moitié du IIe siècle, la production est une fois de plus restructurée, ce qui se traduit par l'abandon des magasins, l'installation de deux nouveaux pressoirs et la construction d'un vaste chai de plus de 190 m2. Ce dernier est équipé de deux cuves surélevées sur podium maçonné, qui vont alimenter par gravité au moins 52 dolia, dont la capacité serait comprise cette fois entre 600 et 800 hectolitres. Ces transformations témoignent de l'augmentation de la production vinicole durant le IIe siècle et permettent, en toute logique, d'envisager l'important développement du vignoble exploité par l'établissement.

Le site de Mont Ferrier ne semble bénéficier de ces investissements que durant une courte période, et son abandon à la fin du IIe siècle pourrait découler du déclin des débouchés économiques dont il disposait jusque-là.

Le stockage du vin dans l'établissement de Renaussas à Valros

Cet établissement de petite taille était situé au milieu des vignes, mais à proximité d'un carrefour de voies carrossables qui lui ont certainement permis une diffusion pratique du vin produit sur place.

À ses débuts, le site s'apparente à une simple unité de production vinicole. Seuls sont attestés les espaces de pressurage et de stockage ; aucune pièce d'habitat n'est perçue. Lors de ses phases de restructuration et de développement tout au long du IIe siècle de notre ère, l'établissement s'agrandit, le pressoir, les cuves et le chai changent d'emplacement et prennent de l'ampleur. On peut imaginer que cette expansion s'accompagne d'une domiciliation des personnes travaillant dans la ferme.

L'originalité de ce site réside dans la diversité du stockage de son vin. Si, comme c'est le cas sur l'ensemble des exploitations vinicoles de Narbonnaise, le dolium est le contenant privilégié, certains espaces dans les plans successifs de l'établissement semblent ici dévolus à un stockage en tonneau. Ces indices sont confortés par la présence d'outils probablement liés à l'activité de tonnellerie et à une diffusion commerciale de ses productions (fer à marquer).

 

Hervé Pomarèdes, Cécile Jung et Michel Compan (Inrap)