Les sites : Antiquité Le domaine antique du Petit Clos

Perpignan, Pyrénées-Orientales

Le site du Petit Clos, dans la partie sud de la commune de Perpignan, occupe le dessus et le versant sud d'une petite colline. Découvert en prospection pédestre, il a fait l'objet de plusieurs campagnes de fouilles entre 1987 et 2004. Les vestiges, qui se répartissent sur environ 2 hectares, ont fait apparaître deux parties séparées d'environ 100 m : dans la première, au nord, se trouvent un habitat très dérasé et des équipements associant plusieurs activités, dont certaines viticoles ; la seconde, plus bas sur le versant, comprend un atelier de potier équipé de plusieurs fours et un très grand chai. Le site du Petit Clos commence à être occupé dans le courant du Ier siècle de notre ère et se développe jusqu'à devenir un domaine en pleine production durant au moins un siècle. Il périclite vers la fin du IIe siècle. La culture de la vigne et la vinification s'y manifestent de différentes façons.

Des vestiges d'activité vinicole

Le témoin le plus ancien est un bassin rectangulaire situé sur la partie haute de la colline. Son fond, constitué de briquettes de pavement disposées de chant, en opus spicatum (« en épi » ou en arête de poisson), comprend en son centre un léger creux destiné à le vider complètement. Des bassins de cette nature sont fréquents sur les exploitations rurales des alentours de Perpignan, datés de façon large entre -20 et +20. Ils sont associés au foulage du raisin.

Le second indice provient du comblement d'un talweg (ancien lit d'une rivière) qui bordait l'exploitation et a servi de dépotoir. Au milieu de divers rejets de poterie s'intercale une couche de résidus carbonisés, dans laquelle l'étude carpologique a montré la grande fréquence des restes de Vitis vinifera (baies carbonisées, pépins et éléments de rafle). La présence de grains de raisin entiers n'est pas encore élucidée ; il pourrait s'agir d'un rejet de raisins secs.

Différents équipements dont le domaine agricole se dote entre la fin du Ier siècle de notre ère et le milieu du IIe siècle attestent la viticulture et la vinification sur place. Ils se concentrent sur la partie haute du site.
Une structure creusée dans le terrain naturel, dessinant une sorte de H de 2,50 m d'envergure pour 2,10 m de large, correspond assurément à un emplacement de pressoir. À proximité, un massif maçonné de 2 m x 1,60 m, fondé lui aussi dans le terrain naturel pourrait appartenir à un autre pressoir.
À 20 m de là, deux ensembles de fosses à dolia formaient des celliers. Le premier comprenait 24 dolia et le second 18. Ces grands récipients, enterrés, ont été récupérés à la fin de l'utilisation de ces celliers. Un dolium s'est effondré lors de son extraction. Les rares vases restés en place avaient subi des réparations qui rendaient leur récupération et leur transport trop risqués. La pratique de la vinification dans ces deux petits chais reste hypothétique, rien n'excluant qu'ils aient pu servir à une production d'huile d'olive.
Sur la partie haute de la colline, les restes très dégradés d'un grand bâtiment comprenant une rangée centrale de piliers laissent entrevoir un autre équipement pouvant être lié à la vinification, cette fois dans des fûts.

Production locale et importation

Dans les rejets associés à la récupération des dolia se trouvaient des fragments d'amphores à fond plat, du type appelé « Gauloise 4 », dans lequel était commercialisé le vin de Narbonnaise. Les fouilles menées en 1999 et 2004 sur l'atelier de potiers contemporains situé en bas de versant ont confirmé la production de ce modèle d'amphore au Petit Clos.

Sur le site du Petit Clos, de nombreux vestiges, notamment au sein des dépotoirs domestiques, on trait à la consommation du vin. Le vin consommé sur cet habitat provient pour partie de différentes provinces de l'Empire, dans le cadre d'un commerce méditerranéen très organisé et à grande échelle, mais aussi de productions locales ou régionales ; le grand nombre et la variété des amphores vinaires rejetées en témoignent. Les cruches et gobelets retrouvés, eux aussi en grand nombre, attestent cette consommation.

Une particularité du Roussillon, mise en évidence lors de la fouille ancienne du site tout proche des Sedes, à Peyrestortes, tient en l'habitude de graver des formules sur les vases à liquide. Outre le nom du propriétaire, ces graffitis comprennent souvent la mention fur cave malum, c'est-à-dire « voleur, gare au bâton ! ». À Peyrestortes, la phrase gravée sur un gobelet, bibe serve non vaco tibi (« bois esclave, je ne suis pas vide pour toi »), se lit comme une invitation et ne laisse aucun doute quant à la nature, vin ou alcool, de la boisson concernée. L'utilisation de ces formules dans la seconde moitié du Ier siècle de notre ère indique d'autre part la diffusion du latin écrit dans les campagnes, peut-être au niveau d'une population aisée. Des inscriptions analogues ont été retrouvées au Petit Clos.

 

Jérôme Kotarba (Inrap)

Région :  Languedoc-Roussillon
Département :  Pyrénées-Orientales  
Commune : Perpignan
Nom du site : Le Petit Clos I

Motif de l’opération : construction d’un lotissement
Aménageurs : SARL Le Petit Clos
Début de l’opération de 1999 : 25/01/1999
Fin de l’opération de 1999 : 19/03/1999
Type d’opération : fouilles

Responsable d’opération : Olivier Passarrius (fouilles 1993), Jérôme Kotarba (fouilles 1999)
Équipe de recherche : organisme de rattachement : UMR 5140 Lattes
Suivi scientifique pour la fouille de 1993 : José Thomas, SRA Languedoc-Roussillon
Suivi scientifique pour la fouille de 1999 : Christophe Pellecuer et Thierry Odiot, SRA Languedoc-Roussillon

Collaborateurs de la fouille de 1999
- Philippe Ecard et Annie Pezin, Inrap : fouille de 1999
- Jean Abélanet, bénévole : étude d’un graffiti
- Jérôme Bénézet et Jean-Pierre Lentillon, bénévoles : étude numismatique
- Gilbert Fédière, bénévole : étude des matériaux architecturaux en terre cuite
- Vianney Forest, Inrap : étude de la faune
- Jérôme Ros, étudiant en master II à Montpellier 3 : carpologie

Période : Antiquité