Les sites : Antiquité Plantations de vigne et production de vin dans la villa de Champs Chalatras

Martres-d'Artière, Puy-de-Dôme

Une fouille archéologique réalisée entre février et juillet 2008 sur le site de Champ Chalatras aux Martres-d'Artière (Puy-de-Dôme) a permis de mettre en évidence, pour la première fois en Auvergne, un bâtiment vinicole et des fosses de plantations datés de la fin du IIe siècle de notre ère au début du siècle suivant, qui témoignent de la présence de vignes à proximité d'Augustonemetum (Clermont-Ferrand), chef-lieu de la cité arverne.

La villa antique de Champ Chalatras, implantée sur une basse terrasse de l'Allier, représente une superficie globale de près de 2 hectares. Elle comprend deux ailes latérales constituées de dépendances agricoles sur les côtés est et ouest, un bâtiment viticole qui ferme la villa au sud et une partie résidentielle septentrionale localisée en dehors de l'emprise de fouilles.

Des plantations de vignes ?

À l'extrémité nord-ouest de la pars rustiqua (partie consacrée aux travaux agricoles), 27 petites fosses alignées et 2 tranchées de plantation parallèles ont été mises au jour. Elles occupent une superficie globale de 120 m² et sont rattachées à la première phase de construction des bâtiments de la villa au cours du dernier quart du IIe siècle de notre ère.

Les fosses, alignées nord-sud comme l'ensemble des bâtiments de la villa, sont distantes les unes des autres de 0,90 à 1,20 m. Leur profondeur (conservée) varie de 4 à 20 cm, ce qui indique que la surface d'origine a été détruite ; certaines fosses ont pu totalement disparaître. Elles présentent généralement un profil à fond plat (en gouttière), avec des parois relativement symétriques, verticales ou légèrement obliques. Leur remplissage, constitué de fins sédiments limono-sableux brun foncé, meubles et homogènes, pourrait correspondre à un dépôt de compost placé dans chaque excavation, comme le préconisent les agronomes anciens.

On a regroupé les 27 fosses, creusées probablement à la houe, en deux ensembles : les excavations de forme ramassée (21 d'entre elles) et les structures allongées (les 6 autres). Les fosses ramassées sont le plus souvent curvilignes, mais aussi, pour certaines, carrées aux angles légèrement arrondis ou exceptionnellement rectangulaire (1 cas) ; leurs dimensions sont très variables : 24 à 81 cm de long pour 21 à 79 cm de large, les structures carrées étant comprises entre 44 et 63 cm de côté. Les fosses allongées, disposées en deux rangées selon leur petit côté, mesurent de 55 à 78 cm de long pour 21 à 31 cm de large. Deux tranchées étroites (largeur 0,25 à 0,30 m) et distantes en moyenne de 1,20 m, rectilignes et linéaires, ont été observées sur quelques mètres de long en bordure et parallèles aux rangées de fosses. Cet ensemble de petites fosses alignées et de deux tranchées a probablement été creusé pour des plantations. Les dimensions très réduites des creusements permettent d'exclure l'hypothèse d'un verger, dont les fosses sont en général plus grandes.

Ces structures occupent presque tout l'espace non bâti de ce secteur, dans l'angle nord-ouest de la cour agricole, entre un bâtiment de stockage au sud, un édifice d'habitation éventuelle au nord (périphérie immédiate de la partie résidentielle) et un mur de clôture à l'ouest. Il pourrait s'agir d'un clos de vignes abritées du vent et surtout des gelées printanières fréquentes dans ce secteur proche de l'Allier. On serait ainsi en présence d'un espace interne susceptible d'être dévolu à la culture de quelques pieds, peut-être à vocation fruitière et/ou ornementale au sein d'une riche villa.

Le bâtiment vinicole

L'édifice vinicole est situé en bordure méridionale de la pars rustiqua, à l'écart de la plupart des autres structures archéologiques. Il est orienté selon les points cardinaux, comme d'ailleurs l'ensemble des autres bâtiments antiques de la villa. C'est une vaste construction massive, de plan rectangulaire, à deux nefs, qui occupe une superficie globale de 459 m² (25,50 m x 18 m). L'édifice comprend trois pièces, de formes et dimensions très diverses : une grande salle, au sud, occupe près des trois quarts du bâtiment ; le reste de l'espace, au nord, se répartit entre une salle très allongée et une petite pièce carrée.

Dans la plus grande salle, les bases maçonnées de deux piliers, distantes de 6,30 m et placées à égale distance des différents angles de murs semblent avoir participé au support d'une toiture en tuiles. Mais ce qui caractérise surtout cette pièce, c'est la présence, dans la partie ouest, de bassins à cuvette de vidange installés dans une fosse creusée dans le sol. Ces structures à enduit hydraulique sont très arasées. Un premier bassin orienté nord-sud (3,60 m x 1,10 m), dont seul le fond est conservé, était pourvu d'une cuvette de vidange circulaire. Il a servi de base à la construction, dans un deuxième temps, de deux nouveaux bassins en béton hydraulique, sans escalier d'accès et à cuvette de vidange. Quelques fragments de céramique collectés au sein de leur radier de fondation permettent de les dater de la seconde moitié du IIe siècle de notre ère ou du début du siècle suivant. Ces bassins à cuvette de vidange traduisent vraisemblablement une activité de vinification. En effet, il est généralement admis que de telles installations, en contrebas de pressoir ou de fouloir, sont utilisées pour recueillir le moût du raisin qui s'écoule d'un plateau de pressage contigu ; quant à la cuvette de vidange, elle est destinée à faciliter le nettoyage du bassin collectant le jus de presse, notamment l'évacuation des « bourbes » de décantation.

On peut supposer que le pressurage était réalisé en bordure occidentale des bassins, avec un pressoir installé initialement sur une plate-forme surélevée et/ou sur un socle bétonné. Toutefois aucun vestige de pressoir n'est conservé, la base ayant pu disparaître sous l'effet conjugué de processus érosifs anciens et de labours récents, et le bois dont étaient alors faits les pressoirs dans cette aire géographique n'ayant pas résisté au temps. De même l'utilisation de tonneaux ou de foudres de bois, comme souvent au nord des régions méditerranéennes, pourrait expliquer l'absence de trace archéologique. L'état d'arasement ne permet aucune certitude sur l'emplacement de ces éventuels contenants.

La phase d'abandon de ce bâtiment est méconnue. Le mobilier collecté dans le comblement des bassins et dans une couche de destruction surmontant certains murs est daté entre le milieu du IIe et le début du IIIe siècle. Il semble que l'activité vinicole n'ait fonctionné dans le cadre de la villa de Champs Chalatras que pendant quelques dizaines d'années correspondant à l'apogée de l'économie viticole dans la province d'Aquitaine.

 

Pierre Vallat (Inrap)

 

Région : Auvergne  
Département : Puy-de-Dôme (63)
Commune : Les Martres-d’Artière
Nom du site : Champ Chalatras

Motif de l’opération : extension de carrière (exploitation d’une sablière)
Aménageur : Béton Granulats du Centre (groupe Vicat)    
Début de l’opération : 06/02/2008
Fin de l’opération : 04/07/2008
Type d’opération : Fouille

Responsable d’opération : Pierre Vallat  (Inrap)
Équipe de recherche : Pierre Vallat, Alain Boissy, Jean Cayrol, Muriel Repelin (Inrap)

Suivi scientifique : Frédéric Letterlé (Conservateur régional, SRA Auvergne), Elise Nectoux (contractuel, SRA Auvergne), Gérard Vernet (AST en 2008, Inrap Auvergne)    
Collaborateurs (article) : Alain Boissy et Pascal Combes, Inrap (DAO), Bertrand Dousteyssier, Université Clermont-Ferrand II (photographies aériennes)

Périodes :
Paléolithique, Mésolithique, Néolithique, Protohistoire, Antiquité